Redoutés par le vigneron, le sommelier et le caviste, les vins bouchonnés peuvent se cacher derrière tous les bouchons de liège. Grands vins de Bourgogne arrivés à maturité, jeune cru du terroir Bordelais, vins de garde ou de table de la Vallée du Rhône : aucun millésime n’est à l’abri ! Que faire face au phénomène du goût de bouchon ? Dans ce guide pratique, L’Atelier du Vin, fabricant français des outils de l’œnologie et de la sommellerie depuis 1926, répond à toutes vos questions sur le vin bouchonné, ses causes et ses conséquences sur la dégustation.
Qu’est-ce qu’un vin bouchonné ?
© Philippe Goron
Par définition, un vin bouchonné est contaminé par la présence de trichloroanisole : la molécule TCA. Ce composé chimique issu de la moisissure du liège ou du bois altère le parfum, les arômes et saveurs du vin de manière désagréable pour les dégustateurs, jusqu’à rendre les bouteilles de vin impropres à la consommation en raison du goût de bouchon trop prononcé.
Quelle est la cause du vin bouchonné ?
La molécule TCA ou trichloroanisole, qui cause le vin bouchonné, apparaît lorsque certains champignons, naturellement présents dans le liège et le bois, rencontrent une catégorie spécifique de chlorures, des composés chimiques du chlore utilisés par certains viticulteurs et exploitants pour traiter les vignes ou les fûts de chêne, blanchir les bouchons, ou encore pour nettoyer les installations dans les domaines viticoles.
Il en résulte une forme de moisissure du liège naturel des bouchons, du bois de fût ou autre pièce de bois présente dans le processus de viticulture (culture et entretien de la vigne, récolte des raisins lors des vendanges, pressurage, macération, fermentation, vinification, conservation du vin, maturation, mise en bouteille) ce qui finit par contaminer le vin et le bouchonner de manière irréversible.
Ne pas confondre le goût de bouchon et les morceaux de liège dans le vin
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le vin bouchonné ou goût de bouchon ne désigne pas une bouteille de vin dans laquelle de petits morceaux de liège sont tombés lors de l’ouverture du flacon. Dans ce dernier cas, il est toujours possible de déguster un vin ayant reçu quelques miettes de liège, à condition de le filtrer immédiatement dans une carafe à décanter afin d’extraire les résidus de bouchon de vin. Pour la prochaine fois, mieux vaudra s’équiper d’un tire-bouchon de qualité, un ouvre-bouteille fiable et adapté au type de bouchon à retirer du goulot.
Par ailleurs, il ne faut pas non plus confondre le goût de bouchon avec une oxydation excessive, fatale au vin. Si tel est le cas, le vin a tourné en raison d’un contact à l’air prolongé : une bouteille ouverte trop longtemps entre deux dégustations, ou une trop grande perte de l’étanchéité à l’air du bouchon de liège sec pendant le vieillissement. L’acidité ou l’âpreté au palais n’a alors rien à voir avec le goût de bouchon.
Comment reconnaître un vin bouchonné ?
Parmi les nombreuses bouteilles d’une cave à vin, difficile de prédire lequel de ces grands crus ou de ces jeunes millésimes sera bouchonné ou non. Comment savoir si un vin est bouchonné ? Il faut l’ouvrir, le sentir et le goûter, tout simplement ! En effet, vous pourrez détecter ce fâcheux événement après l’extraction du bouchon de liège, à l’odeur et au goût.
Or, tout le monde n’a pas la même sensibilité olfactive ni les mêmes facultés gustatives, c’est pourquoi certaines personnes pourront immédiatement déceler un vin bouchonné, dès l’ouverture de la bouteille, tandis que d’autres ne s’en apercevront pas ou à peine.
L’odeur du vin bouchonné
Les odeurs désagréables émanant d’un flacon de vin rouge, de vin blanc ou de vin rosé, ne sont jamais de bon augure… Bien souvent, un vin bouchonné aura une étrange odeur de liège, de bouchon moisi, de carton humide ou de terre mouillée. Fiez-vous à votre perception sensorielle et si vous détectez cette mauvaise odeur, laissez respirer le vin en lui offrant un petit temps d’aération dans son flacon ouvert, dans une carafe à vin ou un verre à vin. Puis, prenez le soin d’en vérifier le goût sur vos papilles, car ce parfum désagréable à l’ouverture ne signifie pas forcément qu’il soit un vin bouchonné.
Le goût du vin bouchonné
Il faut toujours goûter le vin, qu’il présente d’abord une odeur de moisi, ou qu’il n’en émane aucun parfum suspect. En effet, bien qu’inodore, une cuvée de vin peut très bien être bouchonnée, avec ce goût de bouchon moisi, de chêne-liège pourri qui la rendra malheureusement imbuvable. D’autre part, selon le niveau et la durée de la présence des moisissures du liège dans le nectar, ce mauvais goût sera plus ou moins prononcé, mais une fois décelé par vos organes sensoriels, même très légèrement, il sera très difficile d’en faire abstraction, c’est pourquoi la dégustation sera compromise.
Quels sont les vins les plus exposés au risque de goût de bouchon ?
Le phénomène du vin bouchonné ne dépend pas de la qualité du cru, ni de son âge ou stade de maturation en cave à vin. Il n’est pas davantage lié à un vignoble ou un cépage en particulier (cabernet sauvignon, syrah, grenache, pinot noir, etc.). En d’autres termes, un grand cru classé ou un bon vin n’a pas moins de chances d’être bouchonné qu’un vin de table de moindre facture. Tous les vins conservés en bouteille bouchée par du liège sont exposés à une contamination à la molécule TCA et donc susceptibles d’être bouchonnés.
Heureusement, seule une minorité de vins rouges, vins blancs et vins rosés présentent ce goût de bouchon rédhibitoire. Aujourd’hui, cette proportion est d’autant plus faible (1% à 2% de l’ensemble de la production viticole) que les vignerons et producteurs de vins ont pris les mesures nécessaires afin de minimiser les risques de présence de trichloroanisole.
Évidemment, les bouteilles fermées par une capsule à visser, un bouchon en verre ou un bouchon synthétique ne seront pas concernées par ce problème. Elles sont de plus nombreuses dans le commerce, notamment dans les nouveaux terroirs et vignobles du monde, justement parce que les exploitants souhaitent limiter les pertes liées aux vins bouchonnés en utilisant des bouchons synthétiques ou en verre et capsules à visser.
Peut-on sauver une bouteille de vin bouchonnée ?
Au risque de décevoir les bons vivants et les œnophiles invétérés, lorsqu’un grand vin est bouchonné, les probabilités de le déguster sont nulles ! Pour autant, tout n’est pas perdu d’avance : avant de jeter votre précieux millésime, assurez-vous bien du fait que ce vin soit réellement bouchonné. Tout d’abord, si vous percevez une odeur de liège moisi ou de vieux bouchon au premier nez, prenez le temps d’aérer le vin en carafe à décanter.
Si en revanche, après respiration du vin, ce goût de bouchon moisi, de carton mouillé, de terre humide, persiste au niveau olfactif et gustatif, le doute sera définitivement levé : c’est un vin bouchonné et il ne pourra être sauvé, que ce soit pour une séance d’œnologie ou un repas de famille. Choisissez plutôt une autre bonne bouteille de vin dans votre cave personnelle et pour l’extraction du bouchon de liège, les tire-bouchons de L’Atelier du Vin vous garantissent un geste sûr.
Peut-on utiliser du vin bouchonné en cuisine ?
Si le vin bouchonné s’avère impropre à la dégustation œnologique, vous aurez peut-être envie de le recycler en vin de cuisine pour mijoter un bœuf bourguignon, un coq au vin ou une blanquette de veau, par exemple. Malheureusement, il est fortement déconseillé de réutiliser un vin bouchonné pour cuisiner, car malgré la cuisson, l’odeur et le goût de bouchon moisi pourraient persister et se transmettre au plat cuisiné par vos soins. Oubliez définitivement ce vin bouchonné.
© Philippe Goron